dimanche, avril 30, 2006

Ecarlate


Malgré son prénom, c'est moi qui suis devenue rouge écarlate. Pivoine, dit-on parfois. En tout cas, mes joues chauffaient drôlement, et ce n'était sans doute pas pour rien. Elle était pourtant assez loin de moi, mais je l'aurais reconnue entre milles. Son prénom était gravé dans ma tête pour l'éternité : Scarlett. On imagine tout de suite plein de choses rien qu'en entendant ce prénom. On imagine des joues rosies, un air timide. On imagine une héroïne d'un autre temps, d'un roman ou d'un film, peu importe : déterminée et travailleuse, peut-être un peu capricieuse, mais prête à s'effondrer dans les bras d'un Rhett grand et fort.
Elle n'était pas de celles-là. Je crois même pouvoir dire qu'elle n'avait rien à voir avec ce que son prénom pouvait laisser entendre, mais dès qu'on la regardait, elle n'aurait pas pu s'appeler autrement. Tout ce qui nous passait par la tête en entendant Scarlett s'effaçait dès qu'on la voyait : elle n'avait rien à voir avec ce qu'on imaginait, mais finalement, elle seule correspondait à ce prénom. En avait-elle même conscience ?... En tout cas, à ce moment précis, elle songeait à autre chose. Ses joues étaient roses elles aussi - mais pas à cause de son prénom ou du maquillage. Elle était complètement furieuse face au directeur de l'hôtel, qui avait beau lui répéter quelque chose à propos d'une chambre qui serait la même ou je ne sais quoi, elle s'en moquait. Elle s'en moquait et elle le réprimandait sévérement, visiblement très en colère. Ca n'enlevait rien à son sex-appeal, bien au contraire : elle semblait même s'épanouir dans la colère, devenir encore plus belle. Parce qu'elle n'était plus belle à présent, non... elle était pire. Bien pire.
Lassée sans doute de ce dialogue de sourds, Scarlett finit par se diriger vers le bar, sans un regard pour les gens alentour - sans un regard pour moi. Moi qui bouillais. Moi qui étais trempée de sueur, trempée tout court. J'avais le souffle agité, je n'arrivais que difficilement à déglutir. Scarlett... juste là, avec ses longs cheveux blonds qui s'agitaient dans son dos, son doux visage rond et pourtant tellement classieux. Et surtout, surtout, ses lèvres. Ses irremplaçables lèvres. Les plus belles que j'aie jamais vues. Je ne pouvais détacher mes yeux de cette bouche si sensuelle... et non, pas sensuelle. Sa bouche était au-delà. Je pense même pouvoir dire que ses lèvres étaient complètement sexuelles, demandant, criant quelque chose à embrasser, à lécher. Ses lèvres-là étaient faites pour l'amour... et quel amour !
Mais je me forçai à regarder son corps. Je ne pouvais pas rencontrer Scarlett et ne regarder que ses sublimes lèvres. Je devais tout voir d'elle, tout absorber, pour pouvoir m'en rappeler lors de mes plaisirs nocturnes. Je fus frappée par ses seins. Une fois de plus, frappée par la beauté, la grâce qui en émanaient. Ils étaient ronds et pleins, et je n'avais qu'une envie, les prendre dans mes mains. Ce joli corps sensuel, formé de rondeurs et de volupté, me rendait folle. Littéralement folle. Je devais aller la voir. Je ne pouvais pas rester là, sans rien dire.
Je m'assis à côté d'elle. Elle sirotait un Martini, sans doute blasée par la scène qu'elle venait de faire. Elle ne m'adressa qu'un rapide coup d'oeil, tellement loin de moi, tellement plus haut. Alors, j'osai lui proposer de lui offrir un verre. Banal. Elle avait dû en entendre des centaines. Et en plus, prononcées par des hommes sexy et virils. Mais son regard était curieux, il ne me jugea pas. Elle acquiesça en silence, et sembla attendre que je remplisse la conversation. Je ne savais pas quoi dire. Quoi lui dire, à part qu'elle m'excitait terriblement, et que si je le pouvais, je l'embrasserais là, devant tout le monde, au péril de mourir de bonheur et de volupté. Mais comme mes phrases tardaient à venir, elle me demanda tout de go : "Do you have a room here ?" Je ne sus que hocher la tête, étonnée par sa question, et alors elle jeta quelques billets sur le zinc et me demanda de l'y conduire.
J'étais abasourdie. Cette splendide femme, cette créature à peine humaine tant elle était sexuelle acceptait de venir dans ma chambre ? Me l'avait même demandé ? Je n'y croyais pas, mais je dus me rendre à l'évidence lorsqu'elle me laissa appuyer sur le bouton de l'ascenseur afin de rejoindre ma chambre. Sa démarche était naturelle, un peu ondulante. Elle n'essayait pas particulièrement d'être sexy, mais elle l'était. Terriblement. Et elle ne disait rien. Le silence était roi dans cette cage suspendue au-dessus du sol, nous menant jusqu'à la chambre 412. Elle attendit patiemment que je tourne la clef, et s'engouffra dans la pièce, et retira sa veste. Elle s'assit, puis commença à enlever son débardeur, sa jupe, ses chaussures. En une minute à peine, elle était à moitié nue devant moi, étendue sur mon lit, m'invitant d'un sourire diabolique à la rejoindre.
Je tremblais, mais j'y allai malgré tout. Gauchement, je retirai également les quelques vêtements superflus que j'avais sur mon corps. Et c'est elle qui m'embrassa. Qui prit mes lèvres entre les siennes. Entre ses deux lèvres si sexy. Le terme petite mort est bien faible pour exprimer ce qu'alors je ressentis... Elle me regarda, et rit. "You're scarlet. Like me."

9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Vraiment très beau! Ce texte m'a beaucoup touché.

11:26 AM  
Anonymous Anonyme said...

Très joli texte, touchant tout comme l'auteur! :)

2:01 AM  
Anonymous Anonyme said...

TRès très beau texte...heureuse d'être tomber sur ce blog par hasard...

3:31 AM  
Blogger Tristana said...

Merci à vous toutes, surtout...
Ca me fait très plaisir de voir que certains aiment ce que j'écris...

8:14 AM  
Anonymous Anonyme said...

Très beau texte !!
Bonne continuation....

5:56 PM  
Anonymous Anonyme said...

Très heureuse de tomber par hasard sur ce nouveau blog, très heureuse aussi de voir que tu n'as rien perdu de ton talent, bien au contraire :) J'espère que cette fois tu ne t'arrêteras plus :) Pleins de bisous

8:51 AM  
Anonymous Anonyme said...

Je passe au détour de mes promenades nocturnes... Je lis des jolis choses qui me conduisent à d'autres jolies choses... Je reviendrai... Merci pour ce moment.

5:26 PM  
Anonymous Anonyme said...

On a l'impression d'y etre, d'etre avec scarlett, c'est incroyable... Quelques descriptions de lieus et l'illusion serait totale...

Trist', ravi que tu re-ouvres ton blog ;-)

2:07 AM  
Anonymous Anonyme said...

Bravo pour ce texte, on s'y croirait...Quel talent! :)

6:47 AM  

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