lundi, juillet 31, 2006

Zeste de citron

Cette ride au creux du front. Le premier cheveu blanc. Il savait bien d'où ça venait. Il savait même pertinemment à qui il devait toutes ces marques de vieillesse prématurées. Parce qu'il n'était pas vieux, ou tout du moins, il refusait de voir que la vie avançait, et lui avec, bon gré mal gré. Il rêvait parfois qu'il avait encore dix ans de moins. Et qu'elle aussi en avait dix de moins. Dieu, qu'elle avait été jolie, sa petite poupée d'ivoire qui attrapait les insectes au vol, ou se jetait dans la piscine gonflable comme si sa vie en dépendait.
Comment s'y résoudre ? Comment pouvait-il se résoudre à la vérité, qui lui déchirait le coeur à chaque fois... Non, Marilou n'avait plus six ans. Elle en avait seize à présent. Merde, seize ans... L'âge où lui-même avait perdu sa virginité. Avec une gamine de deux ans plus jeune. Un vertige le prit en pensant que sa Marilou était elle aussi à cet âge où... Non, non, ce n'était pas possible. Pas elle. Elle, elle n'irait jamais dans les bras d'un autre homme. Jamais elle n'irait faire l'amour, jamais, ce n'était pas possible, il ne fallait pas. Et puis elle l'aimait trop pour lui faire ça. Non...
Malgré lui, il savait bien qu'il se mentait. Une petite voix sournoise riait à l'intérieur de lui. "Vraiment, regarde-toi, ce que tu peux être bête... Comment as-tu pu vieillir comme ça ? C'est une adolescente, elle est belle, elle a des seins, des fesses, les garçons se touchent peut-être en pensant à elle. Il faut bien que le corps exulte..." Et il repensait à ses parents. Ses parents qui, peut-être aussi, avaient eu peur pour lui, pour sa soeur. Ses parents qui lui répétaient sans cesse de faire attention, de ne pas se retrouver avec une petite amie enceinte. Et lui qui se disait : "mais ils n'ont jamais été jeunes ?"
Bien sûr que si, ils ont été jeunes. Comme lui l'avait été. Mais voilà... on vieillit, on devient parent. Et l'idée de son bébé dans les bras d'un garçon qui, peut-être, lui ferait mal, qui, peut-être, ne s'intéresserait même pas à elle lui donnait envie de vomir. Juste une enfant. C'était juste une enfant... une enfant avec des formes de femme, une enfant qui se maquillait, une enfant qui portait des minijupes. Et qui était partie tout à l'heure, plus maquillée que jamais, avec un haut bien trop court pour elle.
Il pensa à la chanson de Bénabar. Aller dormir chez une copine ? Merde. Merde. Merde. Elle se foutait de lui, oui ! Elle voulait être tranquille pour aller faire ses cochonneries avec un garçon, c'était sûr.
Le père se releva, le coeur tremblant. La mère dormait à côté de lui, paisible, sans se soucier que leur fille allait perdre sa virginité ce soir-là. Il essaya de téléphoner sur son portable. Aucune réponse, bien sûr... Il ne laissa pas de message - à quoi bon ?
Et puis l'espace d'un instant... il se mit à réfléchir. Voyons, toi aussi, tu as été ado. Ne me dis pas que cette fille-là ne t'aurait pas plu...
Il fit un bon en arrière. Non. NON. Plus jamais ce genre de pensées, plus jamais. La mère, alertée par le bruit, se tourna vers lui. "Qu'est-ce qui se passe ?" Il avait le souffle court. "Rien. J'ai envie de faire l'amour." Ce qu'ils firent. Et ils s'endormirent d'épuisement.

Dimanche matin, 11h. Marilou rentre de sa soirée. Papa lui sourit gentiment. Il a l'air un peu contrarié Papa ce matin. Mais qu'importe. Marilou veut leur dire la vérité ce matin.
"Papa, Maman... je crois que je suis homosexuelle".
Papa repense à sa dure nuit. Papa sourit. Aucun autre homme ne prendra le coeur de sa fille. Papa dormira bien ce soir.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Mais aussi : "Aucun petit enfant naturel ne viendra le mercredi voir ses vieux".
Des références à Gainsbourg et à Brel, tu es mon genre de poupée. Et puis tu as des seins magnifiques, certainement les mêmes que ceux de Marilou.
Continue à m'exciter au travers de tes écrits.

3:22 PM  
Anonymous Anonyme said...

C'est beau ce que tu écris... et tellement vrai aussi.

10:39 AM  

Enregistrer un commentaire

<< Home