dimanche, janvier 28, 2007

Frozen


Tu mets tes chaussures, délicatement. Délicatement pour tes pieds délicats. Tu fais bien attention à ne pas filer tes bas. Il faut que tu sois belle, désirable, encore une fois. Encore une fois. Mais pas pour moi, plus pour moi, tu m'as depuis longtemps oublié. Tu me regardes, je suis dans l'encadrure de la porte. Tu as ce petit sourire qui signifie que je suis idiot d'y croire encore. Mais tu te trompes. Je n'y crois plus. Je me délecte juste des derniers instants, de te voir toute neuve, comme au début. De te voir te dire que tu vas aller rencontrer le prince charmant, charmé de quoi on ne sait pas, peut-être de ton parfum que tu achètes si cher. Tu n'as pourtant pas la classe suffisante pour porter les parfums orientaux de Guerlain, mais tout ça t'importe peu. N'importe quel plouc se fait prendre au piège - moi le premier.
Je ne m'en veux pas. Je ne t'en veux pas non plus. Tu ne pouvais pas me dire, m'avouer ce que tu ne sais toujours pas : tu n'es qu'un morceau de glace malgré ton apparence de chair et de sang. Je n'aime pas les niaiseries. Mais il faut bien l'avouer, tu as un coeur de pierre. Rien ne t'atteint, ne te transperce. Tu clignes à peine de l'oeil quand on t'annonce la mort d'un proche ; et je ne parle même pas de ce rictus moqueur que tu as quand tu vois quelqu'un de triste à tes côtés. J'ai longtemps cru à une façade (quel romantique - disons romanesque - je fais). On nous abreuve de bêtises, de femmes fragiles et tristes qui se cachent derrière l'insensibilité pour ne pas se faire du mal. Je t'ai crue de celles-là, toi petit bout de femme, 1m59 en chaussettes (Lolita n'est pas plus charmante), avec ton visage de poupée. J'avais envie de te protéger. Je n'ai pas pensé à me protéger moi (cliché ? mmh oui).
Je vais jouer la carte de nostalgie, juste pour pouvoir tourner la page. Juste me rappeler comment j'ai mordu à l'hameçon de ton corps. Car au fond, reconnais-le, ça n'a été qu'une banale histoire corporelle, sensuelle et sans suite. L'ironie a été que je croie te posséder quand même mon sexe ne te donnait aucun plaisir. Qui aurait pu deviner... tu feins si bien, mon amour. Ta jupe si courte qui laissait entrevoir la naissance de tes fesses à chaque pas (ça me ferait bander si je ne savais pas à quel point tu es gelée), le wonderbra provocateur. De la musique de merde, une boîte de merde, de l'alcool de merde dans les veines. J'ai cru que c'était romantique quand c'était pathétique. Cheveux bouclés, tu t'es approchée, tu ne sentais pas trop la sueur alors j'ai cru que tu embaumais. Au bout de quelques minutes de rentre-dedans très subtil (tu étais sur un seul de mes genoux, pas sur les deux, c'est plus classe), j'ai fini par t'embrasser, et je ne peux pas nier que ça a été agréable. Agréable car s'il y a une seule chose que tu saches faire de ton corps, c'est bien ça : embrasser. Là, tu sais être douce, tendre, sauvage aussi. Bref, bonne !
C'est toi qui m'as ramené chez toi. J'aurais dû sentir l'arnaque, normalement une demoiselle va chez son damoiseau, pas l'inverse. Je ne sais pas combien de fois on a baisé, pas tant que ça finalement, j'étais trop ivre. Et tu ne t'es pas donné grand mal non plus. J'ai mis ça sur le compte de l'alcool.
La grande déclaration le lendemain. A défaut d'être bonne tout court, tu es bonne actrice, je le reconnais. J'y ai cru, et puis avouons-le, j'avais très envie aussi de me coller à toi, à ta chaleur, à ton corps, à ta vie qui avait l'air si simple et agréable. C'était très (trop ?) facile, toi et moi, ensemble et puis pourquoi pas des enfants, un mariage, tout ça. Je ne suis pas un mec qui cherche à se caser. Mais quand une jolie nana se présente, je ne vais pas refuser. Surtout quand elle prétend que je suis l'homme idéal (d'accord, j'enjolive, tu n'as pas dit ça mon amour, tu as dit d'autres trucs qui sont je crois tellement personnels pour moi que j'ai aucune envie de les répéter ici). Alors voilà, colocation, baise à couilles rabattues, plateau-télé devant des émissions merdiques, "notre" chanson, soirées avec d'autres couples... tout aurait pu bien se passer, tu crois pas ? C'était bien parti, quand même.
Il y avait quand même un truc qui me chagrinait. On avait beau faire l'amour tout le temps, sous n'importe quel prétexte, n'importe où, je trouvais pas ça génial. Non, vraiment pas génial. Un peu comme une branlette : ça soulage mais sans plus. Je ne comprenais pas bien, tu semblais pourtant aux anges, tu criais beaucoup (mon égo de mâle y croyait, c'était pourtant tellement cliché et surjoué !). Jusqu'à ce que je rentre ce jour-là, pour te voir baiser avec un autre. Je vous ai épiés, tout le temps que ça a duré (une petite demi-heure). Il se défonçait comme une bête sur toi, toi qui bien sûr criais. Mais voilà, tu n'étais pas face à lui, et moi je voyais ton visage. Et il n'y avait rien dans ton expression qui dévoilait le plaisir que tu prenais. Seuls tes cris feignaient l'orgasme qui, visiblement, ne venait pas, et n'est pas venu. Tu as fait mine d'être totalement chamboulée quand, après qu'il a joui, il t'a prise dans ses bras, mais je savais bien. Tu avais même une mine dégoûtée quand il a explosé, et tu t'es dépêchée qu'il se retire pour ne plus le sentir en toi.
Au fond, ce qui m'a choquée, c'est pas que tu couches avec lui, mais bien que tu ne jouisses pas, que tu ne ressentes rien. Je me suis posé la question longtemps, je n'ai pas osé t'en parler. "Elle joue avec moi ou pas ?" Mais bien sûr, ça a fini par être évident. Tu t'es lassée de jouer ce jeu. J'ai pu voir l'ennui sur ton visage quand je te pénétrais, l'ennui quand je touchais tes seins, l'ennui quand je passais ma langue sur ton sexe. Froide comme la mort, malgré les cris (qui devenaient moins convaincants). Quand je t'en ai parlé, tu as paru soulagée. Tu as reconnu n'avoir jamais joui avec moi. Et tu m'as dit que tu aimais le couillon que j'avais vu avec toi dans notre propre chambre, qu'avec lui tu avais orgasmes sur orgasmes. Je ne te l'ai pas dit, mais je savais que c'était complètement faux. Tu as prétexté l'aimer pour qu'on se sépare. Je n'attendais que ça, moi aussi. Je n'aime pas les poupées glacées.
Alors, quand je te vois comme ça, si pressée, si contente de te parer de ta vulgarité pour aller allumer un pauvre type comme moi, j'ai envie de rire presque. Tout ce jeu autour du sexe, alors que tu n'aimes pas ça... tu deviens un objet sans vie que les hommes touchent pour se soulager. Je ne vois pas ce que tu en retires (sans mauvais jeu de mot). Ce que tu peux y trouver. Ce qui peut te plaire lorsqu'un corps se frotte au tien, alors que tu n'as jamais connu le plaisir. Je sais que tes apparats, tes conquêtes sont ta seule raison de vivre. Alors je ne vais pas faire de scandale, je ne vais pas t'insulter, je ne vais pas exiger d'explications. Là, tu es dans ton monde, tu es protégée. Comme une bonne demoiselle, tu te fais être de chair et de sens pour plaire aux mâles... alors qu'au fond, tout n'est que glaçon. Tu ne ressens rien, tu ne jouis pas. Mais j'ai tort de te faire ce procès-là. Tu n'y peux rien. Et puis ton corps est agréable à toucher et à regarder, les hommes auraient tort de ne pas en tirer profit.
Je ne peux pas m'empêcher de penser que j'aurais aimé être celui qui t'aurait faite jouir pour la première fois. Peut-être est-ce mon échec plutôt que ta frigidité qui m'emmerde. Dans les deux cas, nous sommes perdants. Tant pis...

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Cela fait plusieurs mois que je te lis. Je suis arrivée ici un peu par hasard. Et cela me fait énormément plaisir de lire des choses qui sortent un peu de l’ordinaire .Car au-delà des mots que tu emploies et des phrases que tu tournes si bien , il y a quelque chose de piquant et de très exaltant qui ressort de tes textes . Ce que j’apprécie avant tout c’est que tu me touches. Implicitement tu arrives à me faire découvrir la source des passions (tu es sans doute une grande passionnée, désolée si tu te sens jugée). S’il est vrai qu’un être désincarné ne pourrait éprouver aucune passion, on ne saurait expliquer totalement les passions à partir du corps. Et pourtant tes personnages le font. C’est sans doute parce que tu es quelqu’un de spécial (à caractère fort) ayant une furieuse envie de vivre. Une fille qui mort la vie comme dans la pomme la plus juteuse, qui t’a tomber sur un pépin. Car tu ne connais ,en définitive, pas le regret.

5:14 AM  
Anonymous Anonyme said...

Merci pour ton message. Texte froid et brûlant, j'adore. Enfin, jvois ca comme ca ;) Plein de gros bisous, encore merci bcp :)

5:28 AM  

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