mardi, août 29, 2006

J'aime l'infirmière, maman


L'adolescence est sans doute la plus belle période de notre vie. Malgré la difficulté de se voir devenir quelqu'un d'autre, c'est alors que nous découvrons ce qui nous fera vibrer pour toujours, ce qui nous fera devenir dingues, ce qui nous poussera à partir au bout du monde ou à abandonner n'importe quoi : l'amour, et plus particulièrement, le sexe. On dit souvent que les deux vont de pair. Je suis plutôt d'accord, même si j'ai envie de citer Kundera : Le sexe n'est pas l'amour, ce n'est qu'un territoire que l'amour s'approprie. C'est donc l'heure de la découverte de notre corps, des plaisirs des sens, de la petite mort qu'un monde s'écroulant ne dérangerait pas.
J'étais donc moi-même dans cette période-là de ma vie. J'avais tout juste quinze ans, et l'orgasme n'avait déjà plus de secret pour moi, suite à ma découverte de l'onanisme. Je le pratiquais avec une régularité appliquée et consciencieuse : chaque soir, avant de dormir, je m'esquintais à m'envoyer en l'air (avec ou sans volutes de sèches au menthol). C'était un moment privilégié, où j'apprenais à découvrir quels endroits me donnaient du plaisir, quelle était la forme de mon sexe. J'aimais la douceur de mes lèvres, et la sensation délicieuse du chaud liquide coulant entre mes jambes.
Mais ça, c'était avant. Bien avant de découvrir ce que recelait vraiment le mot "orgasme". A quinze ans à peine, je dus (rien de bien étonnant) rendre visite à une grand-mère mourante. Rien de bien tragique, à cet âge-là on sait déjà que tout est éphémère, encore plus la vie de nos proches. Non, ce qui m'a marquée ce jour-là, ce fut l'infirmière qui interromput notre vaine discussion familiale. Elle entra, ayant à peine frappé, et apporta le déjeuner de ma grand-mère. Puis, elle se tourna vers nous. Et alors, presque instantanément, je sentis cette chaude sensation aqueuse dans mon bas-ventre. Elle nous regarda d'un air agacé, presque méprisant. Sa bouche était de toute manière trop bien dessinée pour faire autre chose que la moue. "Les visites sont finies à cette heure-là. Revenez plus tard". Une élocution parfaite, et une voix si grave et sensuelle... qui contrastait avec sa blondeur angélique, mais qui cadrait parfaitement à l'expression de profond ennui qu'elle avait sur le visage.
Elle était déjà sortie quand je réussis à reprendre mes esprits. J'avais beau essayer de penser à autre chose, je ne voyais que les seins ronds (et sans doute lourds) enfermés dans la blouse blanche, les jambes dénudées, le regard de feu, la blondeur des cheveux... Mon coeur battait à tout rompre. Je savais qu'il y avait là un rapport entre cette femme et ce que je me faisais tous les soirs. A quinze ans, difficile de s'avouer ce genre de choses. Mais à quinze ans, il est encore plus difficile de réfréner ses désirs.
Alors que mes parents s'éloignaient sur le parking bétonné de l'hôpital, je leur criai : "je prends le bus, j'ai une course à faire". Ils hochèrent la tête et partirent dans leur voiture gris métal. Ma tête bourdonnait. Que pouvais-je faire maintenant que j'étais seule ici ? Avais-je vraiment le courage de retourner la voir ?
Oui. Oui, parce que je ne pouvais pas laisser passer ça, sans essayer de comprendre, sans essayer de ressentir ça encore une fois. Je poussai la porte de l'hôpital pour la seconde fois de la journée, et me mis à fureter dans les couloirs. J'avais un peu honte de ce que j'étais en train de faire - mais cette honte me cachait la peur qui me tordait les boyaux : que ferais-je face à elle ?...
Les couloirs, les portes se ressemblaient. Je me serais crue telle le Minotaure cherchant sa proie. Thésée allait-il me mettre à mort ?... Mais c'est alors qu'elle apparut. La même expression sur le visage, le même ennui, le même mépris. Je respirai un grand coup et m'avançai.
"Je peux vous parler ?" Elle fronça les sourcils. Mon coeur battit un peu plus fort. "J'écoute". "Non, pas ici". Elle haussa les épaules et me fit signe de la suivre. C'est alors que nous entrâmes dans ce qui semblait être la salle de repos de l'hôpital, puisque deux lits superposés s'y trouvaient. Elle ferma derrière moi et se posta, les mains sur les hanches. Elle alluma une cigarette, tira une bouffée et finit par me dire : "Ben quoi ? Vas-y, parle-moi, je t'écoute".
Je me suis toujours demandé par la suite si elle n'avait pas su tout de suite. Après tout, que pouvais-je lui demander ? Elle n'était qu'infirmière, elle ne pouvait pas me renseigner sur ma grand-mère. Elle savait bien que je n'allais pas lui demander pourquoi elle faisait ce métier, car elle voyait que je me foutais de cet hôpital et de son travail. Alors, ne savait-elle pas qu'elle me plaisait, et que cette discussion n'aurait jamais lieu ? Que tout ça n'était qu'une approche minable d'adolescente pas encore habituée à draguer ? J'aime à penser qu'elle le savait...
Sans lui laisser le temps d'en dire plus, je m'approchai et l'embrassai. Mais pas un petit baiser, non. Je lui roulai une pelle comme jamais je n'en avais roulé. Elle ferma les yeux immédiatement et lâcha sa cigarette qu'elle écrasa rapidement avec son pied gauche. Lorsque je relâchai mon étreinte, elle se dirigea vers la porte. Mon coeur fit un bond. Mais ce fut pour y tourner la clef... et elle se retourna vers moi. Pour la première fois, je la vis sourire. "Il faut se dépêcher, je n'ai qu'un quart d'heure de pause". Elle me prit la main et nous nous assîmes côte à côte sur le lit du bas. Elle commença à retirer mon pull, lorsqu'elle me regarda d'un drôle d'air : "Ben déshabille-moi". Je déglutis péniblement et mes doigts commencèrent à s'affairer sur les boutons de sa blouse. En dessous, rien d'autre que ses sous-vêtements. Je me souviens que ça m'avait excitée comme jamais de voir son ensemble tout blanc, sans fantaisie ni dentelle. C'en était d'autant plus sexy.
Lorsque nous fûmes toutes les deux à moitié nues, je l'allongeai et me mis à califourchon sur elle. C'était une chose à laquelle je n'avais jamais pensé : moi et une autre fille. Mais j'étais là, sur le point de perdre ma virginité, avec la plus belle femme du monde. Je souris, et me mis à l'embrasser. D'abord sur la bouche. Puis sur les seins. Puis sur le ventre. Et lorsque j'arrivai à son sexe, je fis glisser sa petite culotte (elle leva légérement les hanches pour m'aider) et découvris l'essentiel.
Je découvris ce que je passerais ma vie à chercher. Je découvris ce qui me ferait vibrer. Je découvris ce qui allait m'en apprendre plus sur moi que des années de thérapie. Je découvris l'origine du monde et le début de ma vraie vie.
Son corps était comme le mien, à quelques détails près. Toujours est-il que je savais où la caresser pour la faire jouir. Je savais où poser ma langue, combien de temps appuyer pour que cela soit bon. Je savais comment alterner entre son clitoris et son vagin, comment alterner entre ses seins et son sexe. Elle aussi savait tout cela. Elle aussi savait exactement ce qui me plairait, ce qui me ferait grimper jusqu'au nirvana. Elle savait même que frotter sa peau contre la mienne serait le meilleur aphrodisiaque au monde, et que l'odeur sucrée de ses cheveux s'infiltrant dans mon cou m'inonderait bien plus que n'importe quel autre acte sexuel.
Mais les quinze minutes s'écoulèrent rapidement. Je jouis plusieurs fois, elle aussi. Il fallut se rhabiller, en silence. Son visage était tout éclairé de joie, ou de bonheur, ou de je ne sais quoi d'autre. Elle ne paraissait plus ennuyée du tout. Alors qu'elle enfermait la peau laiteuse de ses seins dans son soutien-gorge, elle me regarda et ne dit que ça : "merci". Puis elle sourit, et avant qu'elle ne referme la porte, je pus lire sur le badge agrafé à sa blouse : Melody.
Et même si je ne l'ai jamais revue, je sais tellement de choses sur Melody. Je sais sa façon de se mordre la lèvre inférieure lorsqu'elle aime ce qu'on lui fait, je sais sa canine supérieure gauche plantée de travers dans sa gencive, je sais les quelques boutons qui lui parsèment le front, je sais sa cicatrice sur la cuisse droite, je sais ses grands pieds qui ne cessent de bouger pendant l'amour, je sais ses sourcils non épilés et trop foncés pour qu'elle soit réellement blonde, je sais qu'elle a aimé un certain Trip dont le nom est toujours tatoué au-dessus de son sexe, je sais sa façon de gémir, je sais l'odeur de son souffle, je sais son piercing en haut de son oreille, je sais la beauté de son visage quand son maquillage coule à cause de la transpiration...
J'ai découvert la vie, l'amour, le sexe avec Meldoy. Simplement du désir ou alors plus... peu m'importe aujourd'hui. Melody, l'amour de mes quinze ans, la femme la plus belle du monde. Melody, que je n'ai connue qu'un instant. Melody, que jamais je ne pourrais oublier...

9 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Très beau récit, très touchant... J'aime beaucoup.

6:24 AM  
Anonymous Anonyme said...

Depuis hier soir je me le demande... Au risque de paraître stupide : C'est une histoire vraie ?

12:12 PM  
Blogger Tristana said...

J'avais une prof qui disait : "toutes les histoires sont vraies"...

6:07 AM  
Anonymous Anonyme said...

Comme d'habitude, j'aime énormmément...
POur celui-ci particulièrement, j'aimerais te dire merci...

11:37 PM  
Anonymous Anonyme said...

J'ai du m'y prendre à deux fois pour le finir, je déteste être sale sur moi.
Bravo, ce texte est exquis : il rassemble plusieurs fantasmes masculins que sont les infirmières, la masturbation féminine et les gamines de 15 ans.
Merci pour ce moment et cet encouragement à l'orgasme à la fois solitaire et partagé.

12:22 PM  
Anonymous Anonyme said...

Mouais bon... Autant j'aime bien ta façon d'écrire... Disons que tu tournes bien tes phrases, t'as le sens du détail, tu sais prendre ton temps, tourner autour du pot et donner de l'épaisseur à tes personnages... Autant franchement, niveau histoire c'est naze.

Et comme c'est encore plus naze de critiquer sans expliquer, je vais tenter d'être plus précis.

Bon. D'abord, tu peux essayer de faire croire à qui tu veux que c'est une histoire vraie, ou même à moitié vraie, pour le gober faudrait vraiment être soit stupide, soit daneel, soit trop proche de toi pour vouloir te faire de la peine.

Ca n'est pas crédible une seconde. Nonon, je t'assure que non, promis. Et pourtant j'ai fait des efforts pendant la lecture hein, je me suis dit que bon ok, il y a parfois des gens qui réagissent de façon tout à fait absurde, mais là non, y'a des limites.

Ca tient pas debout pour plusieurs raisons (et à ce propos, ça tient d'ailleurs tellement mal debout que si on ne t'avait jamais vue en vrai, je serais pratiquement convaincu que tu es un mec (un mec plus finaud que la moyenne, mais un mec)).

Bon, pour ce qui est de la fille qui se touche tous les soirs dans son lit, why not (encore que "je le pratiquais avec une régularité appliquée et consciencieuse" ça donne l'impression qu'elle fait ses devoirs). Mais l'histoire de l'infirmière, sans déconner c'est digne des nouvelles de cul qui trainent sur les sites pornos amateurs (et je sais de quoi je parle, j'en ai lu plein, j'avais même fait une sorte de mini-étude là-dessus tellement je les trouvais pathétiques).

Personne ne réagit comme ça. Personne. Ca excite peut-être plein de mecs de croire le contraire, et ça leur donne sans doute envie de croire que ce texte est autobiographique, mais la jeune infirmière méprisante aux seins lourds qui s'enferme en salle de repos (genre avec des lits superposés, comme par hasard) avec une gamine de 15 ans qui vient de lui rouler une pelle sans même qu'elle esquisse un mouvement de recul, c'est un énOrme cliché.

Et puis attention, elle ferme les yeux direct et lâche sa clope, style "mon Dieu c'est trop bon, je ne me contrôle plus".

Les détails sur l'acte lui-même d'ailleurs, montrent aussi que ça ne s'est pas produit en réalité (mais là, c'est moins flagrant que dans quelques uns de tes textes précédents). "Je lui ai fait ça, elle m'a fait ça, elle a soulevé les hanches", gnagna. Et dans la foulée, l'énorme cliché de l'adolescente qui sait "combien de temps appuyer" et "alterner entre son clitoris et son vagin" sous prétexte qu'elle se touche tous les soirs, c'est triste à dire mais c'est comique (et puis "combien de temps appuyer", c'est une machine le corps féminin ou quoi ?).

Je passe sur le prénom ridicule, Melody (que l'ado n'avait même pas regardé avant, alors que ça aurait dû lui sauter aux yeux), sur le "merci" et sur le "Trip" tatoué au-dessus du pubis.

Honnêtement, je trouve qu'il y a de l'idée, mais ça manque trop de crédibilité. Tes personnages (surtout l'infirmière, mais la gamine aussi) sont des caricatures pour films pornos, qui réagissent de façon insensée et n'ont donc aucune profondeur, ne suscitent aucun attachement. Et puis alors j'ai horreur, quand je lis une scène de cul, que l'un ou l'autre des personnages soit super expérimenté et gère trop bien sur tous les terrains, genre la Princesse De l'Orgasme, vachement rompue à toutes les techniques de jouissance, qui sait pilos sur quels leviers tirer et sur quels boutons pousser. Ca fait technicien, ça donne envie de lui coller des baffes et ça n'a rien à foutre dans une histoire de cul (ou alors si, mais dans une mauvaise). Ca n'est pas "humain".

C'est ça en fait. Tu foires sur les aspects humains. Et pourtant je répète qu'il y a vraiment de l'idée, une envie de psychologie et de douceur. Sauf qu'il te faut des personnages plus vivants. Plus réels, plus humains. Pas des machines à se foutre à poil à la moindre oeillade.

Et puis si ça te branche, tu devrais lire le bouquin de Philippe Jaenada qui s'appelle "Néfertiti dans un champ de canne à sucre". C'est pratiquement que du cul, c'est vulgaire et cru, et pourtant c'est plein de douceur et c'est totalement crédible.

Voilà voilà.

3:45 AM  
Blogger Tristana said...

Juste une chose : je n'ai jamais voulu faire croire que les histoires racontées ici étaient réelles.
Quant au reste, hmm.

6:57 AM  
Anonymous Anonyme said...

Qui a dit que l'imaginaire se devait d'être plausible ?
Les sabres lasers n'existent pas, ça n'empèche pas des millions de personnes d'être fans de StarWars...

10:47 AM  
Anonymous Anonyme said...

Les sabres laser n'existent pas mais les comportements, les actes et les sentiments des personnages de StarWars sont plausibles. C'est la base d'une bonne histoire, imaginaire ou pas. On est en train de parler d'êtres humains.

Cela dit, je répète que je ne critique ni le style, ni la forme, ni les intentions.

7:44 AM  

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