mardi, juin 27, 2006

The heart is deceitful above all things


Un ami l'avait repérée. Normal, elle était sublime. Nous étions autour d'une table minuscule, sur un canapé confortable, dans le clair-obscur d'un bar d'intellectuels. Une bière ambrée à la main, je la vis qui se dirigeait vers les toilettes. Et c'est à ce moment-là que l'ami en question la remarqua.
"Regardez-la, comme elle est jolie avec sa robe bleue et ses petits seins." Et effectivement, elle l'était. Elle l'était vraiment. Un visage un peu particulier, elle ressemblait un peu à Sarah Jessica Parker, mais en vraiment plus jolie. Ce même genre de nez, grand mais tellement charmant. Contrairement à l'héroïne de Sex and the City, elle avait les cheveux raides, d'un roux éclatant. J'aurais pu parier que ce n'était pas une teinture, mais bien sa couleur naturelle.
Elle ressortit des toilettes. Elle avait une démarche un peu hésitante, comme si elle n'arrivait pas à se porter. Ce qui semblait normal, puisqu'elle devait faire 40 kilos grand maximum. Une telle maigreur... Peut-être que je l'aurais trouvée moins belle, avec des kilos en plus. Ca faisait son charme. Mais quelque part, j'étais gênée. Toujours gênée face à ses femmes que j'imagine anorexique, mal dans leur peau. Peut-être parce que je sais trop bien ce que c'est. Mais dieu, quelle robe splendide. Griffée Ralph Lauren, là encore j'aurais pu parier. Volante et en même temps près du corps, avec un bleu puissant, mais pas franchement vif. Cela faisait ressortir sa pâleur de rousse. Et son visage aux traits fatigués.
J'étais émue. Emue parce que malgré tous ses défauts, malgré sa fatigue apparente, sa lassitude, elle était belle. Personne ne pouvait le nier. Ce petit bout de femme qui luttait pour tenir debout avec un charme dingue.
Mais nous étions entre amis, et je ne pouvais vraiment pas aller l'aborder, comme ça, pour lui dire qu'elle était touchante. J'ai alors repris ma bière, bu une gorgée, et commencé à raconter mes frasques de mon dernier hiver passé au ski. Je suis peut-être rentrée la cheville cassée, mais au moins je m'étais amusée. J'essayais de ne plus penser à ma Sarah Jessica qui discutait avec ce qui semblait être une de ses amies, accoudée au bar. Les gens autour de moi ne savaient rien de mon attirance pour les femmes. Et puis, je ne voulais pas me donner en spectacle.
Je fis le tour de la pièce du regard. Un couple se tripotait dans un coin, mine de rien. Des enfants mêmes étaient présents, accompagnés de leurs parents. J'aimais l'éclairage rouge orangé de ce bar, ce côté intime, personnel. Il y avait dans l'air quelque chose qui donnait envie de tomber amoureux.
Mais il fallut bien partir. On se leva tous ensemble, mais alors, une amie voulut se rendre aux toilettes. Nous l'attendions tous, debout, en train de nous demander où nous allions aller. Quand j'ai croisé son regard. Il y avait une telle insistance dans son regard, doublée de désespoir. Mon esprit romantique y a immédiatement vu un appel à l'aide (à l'amour ?), mais je ne pouvais pas y croire, pas ici, pas comme ça. Pour sortir de mon illusion, j'ai tourné la tête. Mais quand je l'ai relevée vers elle, elle me regardait toujours. Une telle indécence dans son regard. Le monde aurait pu s'écrouler qu'on se serait retrouvées là, à se regarder. Dieu, ce qu'elle était belle. Je ne voulais même pas savoir depuis combien de temps je n'avais pas ressenti ça. J'essayais d'imaginer ce que je pourrais lui dire, ce qu'on pourrait faire ensemble. Nos soirées, notre vie.
Mais on me sortit de ma torpeur assez brutalement. "Allez viens, on va aller faire un tour en boîte." Notre petit groupe a alors commencé à s'avancer vers la sortie. Il fallait passer tout près d'elle pour y accéder. Mon coeur a battu un peu plus fort, et j'ai enfin osé relever les yeux vers elle, juste quand on la frôlait. Mais elle ne me regardait plus.
Je ne saurais jamais si c'était une invention de mon esprit. Si elle m'en avait voulu de partir, lâchement, sans un regard pour elle. Si elle aurait aimé que je lui parle, que je la touche. Mais ce que je sais, c'est que je n'oublierais jamais son regard, et que je m'en voudrais toujours. De n'avoir pas eu le courage. D'avoir pensé que c'était peine perdue. D'avoir encore une fois été trop pessimiste.
Excuse-moi, mon hypothétique amour.

lundi, juin 19, 2006

You don't have to sell your body to the night



Comme le sable est désagréable. C'est drôle, je n'aurais jamais imaginé qu'on puisse être si mal à l'aise sur le sable. Pourtant, j'ai fait de nombreuses siestes à la plage, toujours délicieuses. La douce morsure du soleil me laissait grisée, ivre, apaisée. Je la sentais sur mon ventre, mon dos parfois, mes cuisses, sur la naissance de mes seins. Comme c'était agréable alors. Et puis, il y avait eu au préalable le doux massage lié à la mise de crème solaire. Massage éventuellement demandé à un joli garçon, qui se faisait un plaisir de toucher mes reins, le bas de mon dos, presque mes fesses. C'était doux et tellement bon, d'une telle sensualité. J'aurais pu passer ma vie, étendue sur une serviette de plage, à lire les aventures de Don Quichotte, ou alors à somnoler.
Je ne sais même pas pourquoi tous ces souvenirs affluent dans ma mémoire. Cette plage-là est tellement différente. Le soleil est caché par des nuages, je n'ai aucun besoin de mettre de la crème. Et puis je ne suis pas venue là pour me baigner. Je ne sais pas trop pourquoi je suis venue là, d'ailleurs. Enfin, si, je me souviens. Les regards dans le couloir de l'hôtel. Il n'est pas vraiment beau, mais il n'est pas laid. Alors je lui ai souri. J'ai tout fait pour qu'il comprenne qu'il me plaisait à moi aussi. Et puis il y a eu le vide dans ce couloir. Alors nous étions seuls, face à face. Il m'a parlé, m'a dit que j'étais belle. Belle à en pleurer avec mes yeux bleus et mes cheveux entre le brun et le roux. Je n'ai rien dit. Il a touché mes cheveux, ma joue. Il m'a embrassée. Et m'a demandé si on ne pouvait pas se retrouver demain après-midi, devant l'hôtel, on irait se balader près de la plage, ce serait sympa. Bien sûr j'ai dit oui. Bien sûr j'ai hoché la tête. J'ai compris.
Alors j'étais là tout à l'heure, à l'attendre. Il est arrivé un peu en retard. Ca m'a énervée mais je n'ai rien dit. Je m'étais habillée sans trop en faire. Je ne sais pas pourquoi, je ne voulais pas que tout aille trop vite. Et je m'étais dit que la barrière de mon pantalon noir serré par une ceinture ferait aller les choses plus lentement. De toute manière il n'a vu que mon décolleté. C'était fait exprès ça aussi...
Le temps était déjà assez nuageux et frais. En plein été, un comble. Je crois bien que j'ai prié pour que mes parents ne s'aperçoivent pas que je n'étais pas dans ma chambre. Alors on a marché, jusqu'à cette jolie plage. J'adore les dunes, et le vent qui souffle assez pour que les vagues sonnent à mes oreilles. Il me tenait la main, vous croyez ça ? Et moi je ne l'ai pas retirée. Alors il m'a encore embrassée. Et ses mains ont commencé à descendre le long de mon corps. Sensations que je ne connaissais qu'innocemment. On ne m'avait jamais touchée comme ça. Il était si près de moi que j'ai même pu sentir son érection. Il m'a alors tirée par le bras, et on s'est installés là, entre les dunes, sur le sable désagréable. C'est là que nous sommes. Il est à côté de moi et n'arrête pas de mêler ses jambes aux miennes.
Je suis soudain très lasse. Ma tête me crie non. Non je n'en ai pas envie, pas maintenant, pas comme ça, pas ici, pas avec toi. Mais la raideur dans son pantalon ne faiblit pas. Il m'embrasse le cou, ses mains sont partout à la fois sur mon corps. Et puis, ça y est. Alors que j'essaie de pousser mes cheveux qui encombrent mon visage, je le sens défaire le bouton de ma ceinture. Puis celui de mon pantalon. Qu'il tire vers lui. Il fait de même avec ma petite culotte émaculée, blanche comme du coton. Il écarte mes jambes rapidement avec son corps, et commence à défaire son jean. Je tourne la tête, parce que je ne veux pas voir ça. Mais je ne peux rien dire. Une pensée me traverse l'esprit : comme ça, au moins, ce sera fait. Peut-être à 17 ans sur une plage minable avec un inconnu, mais ce sera fait.
Son jean va retrouver mes affaires éparpillées dans le sable. Son boxer aussi. Vite, vite, comme si le temps courait contre lui, il remonte mon débardeur, et enfouit sa tête entre mes seins qu'il lèche. Sa respiration est très forte. Mais le haut de mon corps ne l'intéresse déjà plus. Il saisit son sexe d'une main pour s'insinuer en moi. Il y parvient rapidement. Et alors qu'il ferme les yeux en poussant un petit soupir de contentement, moi, je brûle. Je brûle de douleur. Il continue à s'enfoncer et je serre les dents du plus fort que je peux. J'ai horriblement mal. Mais je ne peux pas lui dire. Et puis il s'en moque. Il est tout à son affaire, à ses va-et-vient, à son plaisir. Ma tête va exploser, je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie. Même quand Armelle m'a poussée contre le mur en CM2. Même quand on m'a opérée d'un ongle incarné sans anésthésie. J'ai le ventre en feu, complètement déchiré. Une larme de douleur roule sur ma joue, mais je l'essuie le plus vite que je peux. Je murmure difficilement un "plus doucement, s'il te plaît", qu'il entend à peine. Il me répond bien sûr et continue son travail d'écorchement.
Finalement, il sort de moi, et le soulagement est immense. C'est la première fois que je vois son sexe qui est toujours en érection. Et je me rends compte qu'il n'a pas mis de préservatif. Et que je ne lui ai même pas demandé d'en mettre. Je commence à récupérer mes affaires, mais il attrappe mon bras. "Attends, j'ai pas fini, viens me sucer". Je reste là, interdite. Son regard est insistant. Alors très gauchement, je m'approche de lui, et touche un pénis pour la première fois de ma vie. Il insiste. "Allez, fais pas chier, toutes les nanas le font". Je respire un bon coup et puis je le prends dans ma bouche. Ca n'est pas si désagréable ni si mauvais - jusqu'au moment où il appuie sur ma tête pour que je le prenne encore plus loin. J'ai l'impression que je vais étouffer. Heureusement sa jouissance n'est pas longue à arriver, et il tient ma tête pour que je ne me dégage pas alors qu'il balance son sperme dans mon gorge. Il pousse un râle de jouissance, et me relâche enfin. Je ne peux même pas cracher, j'ai déjà avalé les trois quarts de sa semence. C'est gluant, et très salé. Il me regarde avaler, avec un sourire satisfait. Mais déjà il est débout et se rhabille. "Je dois y aller, j'ai un rendez-vous très important ; on se voit bientôt !" Il me caresse la tête, comme si j'étais un animal, et disparaît derrière les dunes de sable.
De façon automatique, je me rhabille et rentre à l'hôtel. Je me couche, mais le sommeil ne vient pas. J'ai encore mal. Je passe aux toilettes pour découvrir ma culotte naguère si blanche tachée de sang. C'est terriblement violent, ce sang écarlate sur un sous-vêtement aussi immaculé. Mais je n'ai pas envie de pleurer. Je m'essuie, et puis me douche.
Et puis je pense. Je pense à toutes ces femmes dont ç'a été la première fois. Toutes celles qui ont eu mal, mais n'ont rien dit. Toutes celles qui ont été soumises au désir de l'homme. Toutes celles qui malgré la douleur, savaient qu'elles n'avaient pas le choix. Car il faut bien le faire. Il faut bien une première fois. Et même si on en avait envie, même si on a tout fait pour ça, le dépucelage n'est rien d'autre qu'un viol.

lundi, juin 12, 2006

J'ai pas vingt ans

Je sais ce que je veux. Et surtout, je sais ce que je ne veux pas. Jouer avec lui, jouer avec elle. Au chat et à la souris. J'aime être la proie, j'aime être le prédateur. J'aime souffler le chaud et le froid. J'aime faire croire quelque chose, et puis finalement, non. J'aime voir la mine dépitée de celui qui s'attendait à plus. J'aime, au final, quand ça ne reste qu'un jeu.
Les baisers. Oui, ça commence toujours avec des baisers. Non, en réalité, ça commence par des discussions. De longues discussions de fin de soirées. On a souvent un joint à la main, peut-être un verre aussi. Mais on n'est pas complètement défoncés, non. Juste un peu, histoire de pouvoir dire ce qu'on pense sans rougir. Alors là, facilement, j'amène le sujet qui m'intéresse. Une phrase lâchée comme ça au hasard. Une phrase à double sens, que parfois les autres ne relèvent même pas. Mais si certains la relèvent, alors là, l'effet est assuré. La plupart du temps, c'est sur le mode de l'humour. "J'ai cru que j'allais inonder mon canapé en regardant Lost in Translation, Scarlett est vraiment trop bonne". Et puis, le regard étonné qui se pose sur moi. "T'es homo ?" "Non." "Hétéro ?" "Non." "Ben t'es quoi alors ?" "A ton avis ?" Et là, c'est le début de la soirée pour moi. Le début du jeu.
Après, c'est facile. Les langues se délient, et je ne suis pas la seule à parler de mes diverses expériences sexuelles. Non, le sable, ça n'est pas agréable. Oui, à trois, c'est excitant. Ce genre de phrases toutes faites qui attirent toujours le regard de quelqu'un - et peu importe que ce ne soit pas nécessairement la personne dont j'avais envie ce soir-là.
Il y a alors les petits groupes qui se forment. Souvent deux, trois personnes. Là, ça devient plus simple. Se mettre en valeur, rire quand il faut, sortir les obscénités attendues. Oui, j'aime le sexe, la baise, tout ce qui s'en suit. Oui, pour ce soir, si tu veux baiser, je suis là.
Mais ne jamais lâcher ce côté mutin, innocent. Vous savez, imiter Alizée qui met les hommes en feu sans en avoir l'air. Toujours avoir l'air de s'en moquer, au fond. Moi j'aime ça, mais je m'en fous, si tu ne veux pas me baiser je trouverais quelqu'un d'autre.
Voilà, et là, on en arrive au premier baiser. Peut-être arrive-t-il par un jeu idiot (passer des glaçons de bouche en bouche), ou simplement parce que ça y est, les corps se rapprochent. Là, savoir se montrer farouche mais étonamment disponible à la fois. Laisser sa main vagabonder, monter sous le pull. Peut-être effleurer ses fesses mais vraiment sans en avoir l'air...
Fumer un dernier joint, et puis trouver un lit, un matelas. Être absente et pourtant tellement là. Faire l'amour dans un chambre grande ouverte, à six sur le lit, ou même dans un couloir où les gens passent et se dépêchent de partir, gênés - alors que c'est nous qui devrions l'être. Passer aux toilettes chercher du papier pour essuyer le sperme sur mon visage et sur mon corps. Et puis dormir, dos à dos, et le lendemain, se regarder mais pas trop. Discussion implicite : on ne se reverra jamais, bien sûr, personne n'en a envie et puis ça rimerait à quoi.
Ou alors, entendre quelqu'un nous dire : "en fait, t'es une chaude". Oui. Une chaude, une salope, une pute même. Je baise jusqu'à plus soif, simplement pour trouver un peu de chaleur au fond de mon lit. Est-ce que j'en ai honte ? Est-ce que je veux changer ? Non. Après tout : j'veux plus d'un je m'attache, qui m'ennuie et me fâche, moi j'ai le temps !... car j'aime pas l'habitude, j'aime pas quand ça dure, j'ai pas vingt ans... Et tant pis si je mens.