lundi, mai 29, 2006

Les sucettes à l'anis


Encore. Jusqu'à l'écoeurement, jusqu'à la nausée, jusqu'à ne plus pouvoir rien ingurgiter. Mais encore, resservez-moi, faites déborder mon estomac, mon coeur et mon corps, remplissez-moi, abreuvez-moi, que je n'ai que des goûts délicieux et différents dans ma bouche, que je ne pense qu'à cela qui descend le long de mon oesophage, et finira sa course dans l'endroit le plus intime de mon corps. La satisfaction des sens n'étant que mon seul bonheur, laissez-moi en profiter, laissez-moi me droguer de sucre, de crème, jusqu'à ce que je finsse par dessus la rembarde, à rendre tout ce qui pèse sur ma poitrine. A vomir, vomir, encore et toujours vomir, vomir parce que c'est comme ça que je deviendrais celle que je dois être, pour être peut-être enfin à la hauteur. Que m'importe, qu'on me trouve belle, je veux juste pour une fois ne pas décevoir. Ne surtout pas décevoir, après tous ces gens que j'ai déçus. Après tous ces gens qui m'ont regardée, nue, m'ont vue me lever, et ont décrété que je ne valais rien, rien sans mon apparat, rien sans tout ce faste qui cache la vérité. Ma vérité.
Encore quelques gouttes de vin. Encore un peu de vodka, s'il vous plaît. Que j'aille au petit matin fumer des joints dans un pure morning entêtant, plus jamais entourée de ceux que j'ai aimés. Je vais les fumer seule, ces joints, ceux qui étaient jadis avec moi sont partis. M'ont abandonnée alors que je vomissais pour la cent soixante et unième fois. M'ont laissée là, choir, parce que si moi je ne veux pas m'en sortir, personne ne le peut pour moi. Arrête de t'écoeurer, arrête de boire, arrête de fumer, tu te fais du mal. Il n'y a plus que ça qui compte, être écoeurée de tout, de vous, de pâtisseries, et puis de sexe aussi, quand certains me font la charité de bien vouloir de moi. Je n'ai pas l'air mais je les supplie. Sois juste assez bourré pour te dire qu'après tout, tu peux bien te la taper, la blonde vraiment trop commune, mais pas trop pour ne pas te retrouver impuissant devant son corps désarticulé. Fais semblant de l'embrasser et d'aimer ça. Embrasse-moi encore un peu. Et essaie, si tu y penses, à me dire au revoir demain matin, avant de prendre la fuite, une main sur ta migraine, une grimace de dégoût en voyant qui a partagé tes draps.
Redonnez-moi un gâteau, encore un, que je pimenterais avec du champagne. Plusieurs coupes de champagne. Ne m'aidez pas, ne m'aidez plus si je vacille. Après tout, je tombe, et puis ça n'est pas bien grave. Mais servez-moi, resservez-moi, aidez-moi à être tout ce que je ne suis pas. Vous ne trouvez plus ça drôle, de me voir tanguer, de me voir draguer tous ceux qui me repoussent ? Vous ne trouvez plus ça drôle quand je pars aux toilettes rajouter un peu de poudre à mon nez ? Vous aimiez ça, avant. Vous aimiez cette fille trash et puis si joyeuse avec un coup dans le nez.
Ca a arrêté de vous faire rire. Mais à quel moment ? Quand vous avez aperçu que c'étaient mes doigts et pas l'alcool qui me faisaient vomir ? Quand vous vous êtes rendus compte que ce n'était pas que de l'alcool qui coulait dans mes veines ? Quand vous avez vu, alors que j'étais trop ivre pour réagir, ma jupe remonter et les cicatrices sur mes jambes ?
Vous avez eu peur. Vous avez fui. Vous avez eu raison. Et je reste là, seule, au petit matin, in the cold light of morning, à fumer mes joints, à me demander qui voudra bien finir sa soirée dans mon lit, qui voudra bien toucher ce corps non cicatrisé et proche de l'inertie.

vendredi, mai 19, 2006

Rien que d'y penser


Lola. Ca y est, je me rappelle son prénom. Lolita. Lola. Voire Lo pour ses amies. Mais comme je n'ai jamais été son ami, je ne l'ai jamais appelée comme ça. Et je pense pouvoir dire qu'au fond, elle avait peu d'amis, et que ce diminutif n'a finalement été que très peu usité.
J'ai malgré tout du mal à croire que ce soit la même fille. Celle que je vois en face de moi est grande, incroyablement bien faite, avec des jambes si longues qu'on en perdrait la raison. Ses yeux diabolo menthe (et pas menthe à l'eau, il y a toujours eu bien trop d'étincelles dans ses yeux pour les comparer à cette boisson plate) rayonnent, cerclés de noir. Un petit diamant brille au-dessus de sa lèvre supérieure, et la fait scintiller à chaque sourire. Sourires dont elle n'est pas avare. Son débardeur laisse entrevoir les bretelles d'un soutien-gorge noir, noir comme ses talons hauts, foncé comme cette jupe rouge sang qui virevolte à chaque pas. Cette femme-là est une bombe, purement et simplement - alors que la Lolita dont j'ai le souvenir ne se défaisait pas de sa maigreur et de ses pulls à col roulé informes, trop grands. Ses yeux semblaient trop grands pour son visage si fermé. Ses cheveux n'étaient jamais aussi bien coiffés que ce soir ; ses ongles rongés ; sa démarche hésitante. Non, plus j'y réfléchis, plus je me dis que ça ne peut pas être cette créature excitante que j'ai connue au lycée.
Et pourtant... pourtant l'affolante blonde se retourne lorsqu'on l'appelle Lola. Les deux images ne peuvent se superposer pourtant... J'ai envie d'elle, autant que j'étais dégoûté à la simple idée de toucher l'ancienne Lola. Dire qu'elle m'avait déclaré sa flamme à l'époque. J'avais eu mal pour elle, qui espérait sans doute que j'allais m'intéresser à sa personne... Mais bref, tout cela est passé, et bien révolu, car je n'aurais jamais pu ignorer une telle femme.
Je m'approche d'elle en zigzagant entre les couples qui dansent, et la salue. Elle se retourne, et je vois bien pendant une seconde une lueur d'étonnement. Lueur qu'elle éteint immédiatement, et à mon grand désarroi, son visage se ferme. Son "bonjour" est laconique, voire méprisant. Bêtement, je ne sais qu'ajouter : "Ca fait un bail, hein ?" Elle ne se déride pas et murmure un "oui" étouffé.
Là, je dois avouer, je suis bien emmerdé. Bien emmerdé parce qu'elle me plaît beaucoup. Et tous les garçons lui tournent autour depuis qu'elle est arrivée, lui apportant sans arrêt un nouveau verre d'alcool, afin de la rendre patraque. J'ai vraiment envie d'elle, là, tout de suite. Et son attitude aguicheuse me laisse penser que, peut-être, qui sait...
Mais c'est toujours le même visage serré qui se présente quand je m'approche. Je tente le tout pour le tout. "Alors dis-moi, toujours fou de moi ?" (référence à une chanson de Zazie qu'elle m'avait écrite sur un papier pour me dire qu'elle m'aimait). Elle se retourne assez violemment. Je sens de l'électricité dans son regard. Après tout, il vaut mieux une bonne colère que son mutisme. "T'aimerais bien, hein ?" Ah. Ce n'est pas de la colère dans sa voix, mais... de la sensualité. Qui aurait cru que ce fût si facile d'arriver à ses fins ? "Ma foi, oui, ça me plairaît beaucoup". Elle sourit. Premier sourire qu'elle m'adresse de la soirée. Elle me chuchote alors à l'oreille : "viens". Et se dirige vers les toilettes de cette salle de fête.
Lola ferme la porte à clef et sans un mot, déboutonne mon pantalon, baisse mon caleçon, et commence à me caresser. Je ferme les yeux et m'abandonne au plaisir... mais c'est alors qu'elle s'arrête. Un peu vexé, je rouvre les yeux, et là elle rit de mon air agacé. "Tu ne crois quand même pas que je vais me contenter de te sucer sans prendre mon pied". Bon. Elle a plutôt raison là. Ni une ni deux, je sors un préversatif que j'enfile, et je lui retire sa culotte (tiens, pas même un string), sans prendre la peine de dégrafer sa jupe. Elle ne semble même pas surprise par ma violence, ma rapidité. Son regard laisse sous-entendre un je-ne-sais-quoi de triomphant... mais en attendant, petite salope, moi je te baise comme j'en rêve depuis le début de la soirée. Elle n'essaie pas de bouger, de prendre du plaisir ; elle subit simplement mes coups de reins, sans aucune expression de dégoût ou de plaisir. Elle est frigide peut-être. Mais alors pourquoi ?... Toutes ses questions me traversent l'esprit alors que, doucement, je me dirige vers la jouissance. Qui se fait imminente. Qui...
"Lâche-moi, gros porc". Elle vient de se dégager en me poussant brusquement. Je suis là, avec tout mon orgasme qui ne demande qu'à déferler, et elle se casse. Elle remonte sa petite culotte, et je comprends alors cet air de triomphe. La pute. Elle avait dû tout préméditer. Elle ne sourit même plus. Elle reprend son souffle, essaie de dominer ses cheveux partis sans tous les sens, qui se colle à sa peau moite de sueur. "Tu vois, connard, tu vois ce que ça fait quand quelqu'un se fout de ta gueule. Spécialement quand c'est quelqu'un dont tu attends beaucoup. Ca fait chier, hein, dis-le-moi que ça te fait chier !" Elle hurle presque, hystérique qu'elle est. J'essaie de me faire menaçant, même si je sais que je suis ridicule avec ma queue à l'air et mon pantalon que je n'ai aucune envie de remonter : "tu vas finir ce que t'as commencé, espèce de salope. Tu vas venir finir ça !" Pour toute réponse, elle brandit son majeur et explose : "va te faire mettre".
Elle sort alors des toilettes, et me laisse là, excité et terriblement frustré. Ne plus jamais croire que les chenilles transformées en papillon n'ont pas de mémoire.

jeudi, mai 11, 2006

Like a virgin


Elle remonte sa culotte en-dessous sa robe, debout sur un terrain de foot trop grand, sans trop savoir où elle est, pourquoi elle y est. Une nuit d'amour s'est soudain transformée en une simple nuit de sexe. Et elle n'y comprend rien. Juste rien.
Ce n'était pas ça qu'elle avait imaginé, pourtant. Elle avait imaginé qu'il serait là, quand elle se réveillerait dans l'herbe. Qu'elle n'aurait pas à se rhabiller seule, comme lasse... Elle s'imaginait déjà voir son visage au petit matin. Peut-être qu'il l'aurait regardée se rhabiller rapidement ; elle se serait cachée un peu, mais il lui aurait dit : "t'es un vrai canon", et alors elle aurait souri. Il l'aurait embrassée, comme si c'était pour sceller un pacte à jamais. Elle serait sentie drôlement bien.
Mieux... mieux en tout cas que dans ce taxi qui sent la cigarette de la nuit. Il ne lui parle pas, encore heureux. Mais il a deviné, sous ses airs tristes et froids, qu'elle avait eu la plus grosse déception de sa vie cette nuit-là. Et alors, peu importe les parents et leurs cris ; peu importe les reproches de ses soeurs punies à cause d'elle ; peu importe les disques de rock qu'il faut jeter. Tout ça, ce qu'elle s'en moque. S'il avait été là ce matin au réveil, elle aurait même donné son âme pour conserver ce moment-là pour toujours.
Mais il n'était pas là. Et elle doit subir le courroux des parents, de la famille ; le mépris du voisinage, tout ça... pour une nuit de sexe. Une nuit de sexe pour un garçon de plus qui ira raconter qu'elle est une fille facile. Alors que c'était sa toute première fois, et que c'était à lui, rien qu'à lui qu'elle voulait réserver ce moment. De la baise, elle aurait pu en avoir par charrettes entières, sans avoir à mentir à ses parents, sans avoir à passer la nuit dehors : hop, vite fait derrière le lycée, avec un des très nombreux gamins qui lui couraient après. Ce n'était pas ça, pas ça qu'elle voulait. Pas avec lui...
Ne dit-on pas qu'il faut guérir le mal par le mal ? Alors elle n'aura que ça, de la baise, des coups vite faits, et puis surtout mal faits, avec n'importe qui, des garçons sans importance, moches ou beaux peu importe... peu importe parce que le seul à qui elle voulait se donner a fait de son corps une marchandise. Elle ne sera plus que ça, pour tous ceux qui veulent bien d'elle, de son regard vague et vide après l'amour, de sa cigarette dont elle n'avale pas la fumée, parce qu'au fond elle n'aime pas ça. Pas plus que leurs corps avides sur le toit d'une maison trop surveillée, pas plus que de sentir sur son corps des mains étrangères. Mais tant pis elle s'habitue... elle s'habitue, mais se demande si c'est sale. "Est-ce que c'est sale ce qu'on vient de faire ?" Parce que plus ce sera sale, plus elle sera satisfaite.
Et moi j'ai comme la gorge nouée quand j'écoute Air... car Lux, c'est moi, et manifestement je sais ce que c'est que d'être une fille et d'avoir treize ans.